« Sacrifié sans raison » : Christophe est couvreur et à cause de cette décision politique, son chiffre d’affaires est « en chute libre »

« J’ai envie de pleurer », confie Christophe, un couvreur opérant à Bruxelles. Depuis 20 ans, cet entrepreneur spécialisé en toitures et bardages travaille dans la capitale. « Je fais des toitures complètes tout au long de l’année », explique-t-il.

À la fois stressé et en colère, Christophe a décidé de nous contacter pour évoquer sa situation financière « catastrophique » causée par la suspension des primes Renolution (dispositif de la région Bruxelles-Capitale visant à encourager les travaux de rénovation énergétique) depuis début 2025. C’est l’une des conséquences de l’absence d’un gouvernement régional de plein exercice. Le nouveau budget alloué à ce système de primes à la rénovation ainsi que le système choisi ne peuvent être validés. Seules les factures émises en 2024 peuvent être actuellement prises en compte. Si vous effectuez des travaux cette année, vous êtes donc inévitablement confronté à un flou total quant à un remboursement éventuel. Sans surprise, cette incertitude refroidit de nombreux propriétaires désirant réaliser des rénovations.

« Travaillant exclusivement sur Bruxelles, je me retrouve sans travail quasiment. Les devis ne sont pas signés. Mes clients attendent des nouvelles du gouvernement pour faire leur rénovation. Ils ne savent pas s’il va y avoir des primes ou pas. Et quelles seront les conditions. Ils préfèrent donc patienter », comprend le couvreur.

Déjà impacté par d’autres problèmes, Christophe voit dès lors ses recettes diminuer fortement depuis plusieurs mois. « Je suis dans un secteur déjà touché par une multitude de facteurs. Par exemple, la hausse du prix des marchandises en raison de la guerre en Ukraine. Mais ici on nous coupe les vivres, juste parce que le gouvernement bruxellois ne prend pas de décisions. Mon chiffre d’affaires est bien sûr en chute libre, les factures s’accumulent », déplore Christophe.

D’après lui, il est loin d’être le seul à souffrir de cette situation. « En travaillant à Bruxelles avec ce système de primes, nous nous trouvons une multitude de collègues et moi sacrifiés sans raison. Cette situation dure depuis trop longtemps. Faillites et catastrophes sociales pour beaucoup seront la suite logique », prévient l’entrepreneur.

« 75 % des chantiers prévus ne vont pas se faire »

Le secteur de la construction bruxellois confirme cette inquiétude. Il se dit en péril à la suite de l’arrêt des primes Renolution. « À l’heure actuelle, avec la suspension depuis le début 2025, 75 % des chantiers qui étaient prévus ne vont pas se faire. C’est tout un tissu d’entreprises qui sont investies dans la rénovation urbaine qui commencent à connaître des problèmes et qui vont peut-être faire faillite. L’année passée, on a connu 2.000 faillites dans le secteur, rien qu’à Bruxelles. Et maintenant, on est déjà à 20 % au-dessus de ce chiffre qui était historiquement mauvais », avance Jean-Christophe Vanderhaegen, directeur de Embuild Bruxelles.

Faire comme en 2024, c’est possible ?

Faute de moyens budgétaires suffisants, les primes Renolution ont déjà été suspendues une première fois en août 2024. Cette suspension a finalement été levée après un vote du Parlement pour débloquer des fonds supplémentaires. Le but de cet accord était de ne pas pénaliser les ménages et entreprises ayant engagé des travaux en 2024.

Mais pour 2025, c’est toujours très brumeux. Nous avons contacté le cabinet d’Alain Maron, ministre en affaires courantes de la Transition climatique, pour comprendre si une solution comme en 2024 était envisageable. « Le gouvernement en affaires courantes ne peut prendre, sans la légitimité du Parlement, la décision de relancer les primes, même temporairement. Vu la situation politique, il n’y a pas eu de nouvelles propositions dans ce sens », nous répond-on.

Ça sera donc au prochain gouvernement de prendre la décision. « Alain Maron est persuadé que cela doit rester une priorité étant donné les effets sociaux, économiques et environnementaux », précise encore le cabinet du ministre Écolo.

En attendant d’y voir plus clair, il conseille aux personnes concernées de se rendre sur le site Renolution, « qui donne encore de très nombreux conseils pour la rénovation du bâti ». Le site reprend notamment les autres aides possibles.